Cet été, des manifestations ont été menées dans plusieurs villes européennes (Barcelone, Venise, Dubrovnik, Ibiza, Porto, Palma de Majorque…) par des groupes d’habitants afin de dénoncer les effets néfastes sur leur quotidien du déferlement de dizaines de millions de touristes.
Entre actions violentes et manifestations, ils demandent une régulation efficace afin de ne pas dénaturer leur ville soumise à une pression immobilière croissante. Le tourisme de masse serait indésirable Ce touriste, accusé de tous les maux, n’est bien souvent que « le bouc émissaire d’un malaise qui en cache un autre, celui de sociétés fragmentées par l’industrie du tourisme », relève l’anthropologue Jean-Didier Urbain, au salon professionnel du tourisme Top Resa qui s’est tenu en septembre à Paris. L’anthropologue souligne que le tourisme massif produit « des effets extrêmement clivants sur la population locale : d’un côté, des gens s’enrichissent et, de l’autre, des gens subissent, sont prolétarisés et marginalisés ».
Pour Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme, ces sites touristiques saturés à longueur d’année finissent par y avoir une rupture d’équilibre entre la vie quotidienne des habitants et une activité touristique qui génère trop de nuisances, avec des gens notamment les jeunes qui viennent avant tout pour faire la fête sans respect des populations locales. Autre constat dénoncé par les habitants touchés par ce phénomène qui met en danger la ville, sur le plan environnemental, ce sont les locations saisonnières de type Airbnb qui ont fait grimper les prix de l’immobilier, évinçant de certains quartiers les classes populaires, mais aussi certaines classes moyennes. « Je refuse le tourisme de masse. Je ne veux plus que mon territoire soit abandonné à des touristes qui ne respectent pas notre environnement exceptionnel » a martelé récemment Renaud Muselier le président du conseil régional PACA/Côte d’Azur.
Pourtant, le tourisme n’est pas l’ennemi assure Taleb Rifai, secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Selon cet organisme des Nations unies, de 1995 à 2016, le nombre de voyageurs internationaux est passé de 525 millions à plus de 1,2 milliard grâce notamment aux développements intensifs des infrastructures et équipements touristiques, aux compagnies aériennes low-cost et aux visiteurs des marchés émergents comme la Chine, l’Inde et les pays du Golfe.
Mais dans certaines destinations touristiques, le seuil de tolérance semble dépassé reconnait Taleb Rifai. Un vrai projet de territoire La perte de contrôle des pouvoirs publics face au phénomène touristique ne pourra se régler que politiquement, selon Didier Arino, de l’agence ProTourisme : « Cela suppose d’avoir un vrai projet de territoire dans lequel le tourisme est considérée comme une des parties intégrantes du développement », explique-t-il.
La ville de Paris qui fait face à l’expansion des meublés loués aux touristes a demandé au gouvernement des pouvoirs réglementaires nécessaires afin que les collectivités territoriales puissent elles-mêmes décider d’un nombre maximum de nuitées. D’ailleurs, Anne Hidalgo, maire de Paris va organiser dans les six prochains mois une rencontre avec d’autres grandes métropoles pour « travailler à une régulation concertée » afin de maitriser le tourisme de masse « expansionnisme », de même qu’elle va lancer un « Observatoire de la location meublée touristique à Paris » avec les élus.
Enfin, pour l’anthropologue Saskia Cousin, il ne s’agit pas d’interdire une pratique qui révèle l’inadéquation du système hôtelier d’autant que ce problème est bien connu depuis plusieurs années « le développement touristique est exponentiel et [que], passé certains seuils, il est très difficile de revenir en arrière mais le rôle des politiques publiques n’est-il pas aussi de protéger les habitants ? », s’interroge-t-elle.
29 septembre 2017